In La Tribune 01/10/2020
Que seront les sociétés pétrolières lorsque dans moins d’un siècle elles auront vu leur activité traditionnelle, la production de pétrole et de gaz, considérablement se réduire voire disparaître, non pas à cause du pic de la production de pétrole, mais sans doute à cause du pic de sa demande ?
Cette question posée par un client n’a pas de réponse satisfaisante, bien qu’à l’inverse de leurs consœurs d’outre-Atlantique, les pétrolières européennes anticipent cet affaissement en se projetant dans la production, la distribution et le stockage de l’électricité.
Dans ce futur en effet, leur cœur de métier historique, la géologie des hydrocarbures, n’a plus d’avenir. Elles ont donc le choix de l’abandonner, ou bien, avant que cette spécialité ne disparaisse de leur mémoire collective, de réinvestir ces immenses compétences et connaissances dans une synergie industrielle d’ampleur intimement liée à la transition énergétique.
Comme chacun sait, la transition écologique nous fait basculer d’une dépendance aux hydrocarbures vers celle aux métaux, sans métaux il n’y a pas de transition énergétique. C’est pourquoi le pétrole de demain c’est le cuivre, le gaz naturel de demain c’est le lithium ou le fer. Heureusement, l’histoire démontre que les deux secteurs miniers et pétroliers sont perméables : BHP, Glencore et d’autres sociétés minières sont dans l’énergie pétrolière et gazière ; inversement, des géologues de sociétés pétrolières ont découvert des gisements de métaux. Chercher du pétrole est plus proche de trouver du cuivre, du nickel ou du zinc que de piloter des centrales solaires photovoltaïques, gérer des champs d’éoliennes marines ou d’innover dans la thermodynamique des batteries.
Cette passerelle géologique entre pétrole et mines permettrait aux pétrolières devenues électriciens d’investir dans la production des métaux indispensables à leurs propres transitions énergétiques vers leurs nouvelles activités électriques. Car, métaphoriquement, il sera tout autant complémentaire de produire du pétrole en amont pour développer sa propre pétrochimie en aval, que de développer une mine de spodumène ou de cuivre pour alimenter sa propre filière électrique. C’est d’ailleurs le modèle d’industriels chinois qui prennent des parts dans des mines de nickel ou de lithium alors qu’ils sont constructeurs de batteries.
Cette vision connaît cependant une difficulté d’exécution
La filière pétrole dispose de sociétés parapétrolières mondialisées qui savent quasiment tout du pétrole : géologie, exploration, construction d’infrastructures, exploitation du pétrole, réhabilitation, etc. Mais la filière minière est pauvre en sociétés « paraminières » globales. Sans leur accompagnement il est possible que les pétrolières restent irrésolues.
Comment construire ce chaînon paraminier manquant ? Les fournisseurs miniers en géologie, exploration puis exploitation de mines à ciel ouvert ou mines souterraines, en services et entretiens des machines, en fonçage, en explosifs, en réhabilitation des sites miniers, sont souvent esseulées et spécialisées, ou bien noyées dans de grands groupes de travaux publics, de gestion de l’eau, du recyclage…
Notre pays a ces nombreuses compétences et la création de notre « paraminière » serait une première européenne et un temps d’avance pour servir la mutation des pétrolières du vieux continent et affirmer une souveraineté minière.